28 mars 2008
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"Cela fait 5 ans que tu combats pour eux, regarde ce qu’ils ont fait de ta vie"
Bonjour grand frère,
C’est avec moins de surprise que j’ai appris dans des journaux, le samedi de Pâques, la nouvelle de ton arrestation et de ton défèrement devant le parquet. Ainsi, ai-je pu lire que tu as été arrêté chez toi à domicile à la Riviera Palmeraie, le jeudi, par des éléments puissamment armés du Centre de commandement des opérations de sécurité (CeCOS). Tu aurais été conduit à l’école de gendarmerie où tu aurais passé la nuit. Le lendemain vendredi, tu aurais été déféré devant le parquet du tribunal de Yopougon. "Atteinte à la sûreté de l’Etat" ! C’est à tomber des nues. Toi, le patriote, le chef milicien, le défenseur des institutions de la république, le soldat de Gbagbo…accusé de fomenter un sale coup contre Laurent Gbagbo ! Je ne ferai pas comme tes camarades de la Coordination nationale des patriotes pour la paix (CNPP) dirigée par Eugène Djué, qui clament à priori que tu n’as rien fait et que tu dois être libéré hic et nunc. Eux, ils n’ont certes pas tort d’avoir cette position. La CNPP est la mal aimée des mouvements patriotiques. Elle est donc une coordination de "patriotes" frustrés de ne pas mériter le respect que le chef de l’Etat et son entourage doivent aux autres leaders "patriotes" et, aigris de se retrouver gros Jean (les autres, version Blé Goudé s’étant enrichis ou ayant été casés dans l’administration tant publique que parapublique). Je ne ferai, dis-je, pas comme eux. J’ignore ce que la gendarmerie dispose comme preuves contre toi. Ce que je dis, c’est qu’elle doit nous présenter ces preuves maintenant. Cela vaut aussi bien pour toi que pour toutes les personnes qui sont arrêtées pour activités présumées subversives et contre qui on ne brandit jamais de preuves, si ce ne sont que des allégations ridicules. Si la gendarmerie n’a rien contre toi, si le substitut du procureur et le juge d’instruction n’ont aucune preuve qui atteste ton implication dans une telle affaire, tu dois être libéré. Immédiatement. Cela vaut aussi bien pour toi que pour tous ces Ivoiriens et non Ivoiriens qui croupissent, dans les geôles sales et déshumanisantes du pays.
Grand frère,
Rappelle-toi la dernière fois que nous nous sommes rencontrés. C’était l’année dernière à la PISAM. Tu étais interné dans cet établissement sanitaire après une maladie qui t’avait particulièrement affaibli. Je t’ai trouvé amaigri. Dans ta chambre d’alité, tu avais ta mère auprès de toi, ainsi que ta compagne. Tu avais aussi un frère et enfin un de tes éléments du Groupement des patriotes pour la paix (GPP). Dans ta chambre d’hôpital, ceux qui étaient autour de toi, qui te soutenaient, étaient principalement les membres de ta famille. Rappelle-toi que je t’avais demandé où se trouvaient tous ces barons de la république pour qui tu disais combattre ? Tu m’as répondu, en tentant de relativiser que c’est grâce à une prise en charge de la présidence que tu avais pu être interné dans cette clinique, preuve selon toi que tu n’étais pas abandonné. Bien mince ! Te rappelles-tu que je t’avais dit ce jour, en présence de Jules Claver Aka, mon collègue, que tôt ou tard, tu aurais maille à partir avec le régime que tu défends ? Tu m’as répondu que c’était impossible. Je t’ai rétorqué que « tu sais que je n’ai pas tort". Et on a ri.
Grand frère,
Ce jour-là, je ne croyais pas si bien dire. Tes déboires d’aujourd’hui étaient prévisibles et autant inéluctables. Revisitons un peu ton passé récent et tu seras édifié. Tu étais le numéro deux de Charles Groguhet au GPP. Après son grave accident qui l’a éloigné de la vie publique, tu as été amené à prendre le contrôle du mouvement. C’est vrai qu’avant qu’il ne soit contraint par le destin à se mettre en retrait, toi-même soutenu par certaines personnes, ambitionnait de récupérer le GPP parce que sa ligne originelle commençait à dévier. Quand tu as pris le GPP, tu as été très vite confronté à ce que les Eugène Djué, Fofana Youssouf, Watchard Kédjébo et autres ont dû faire face et que je ne qualifierai pas de tribalisme comme l’ont fait les deux premiers cités. Tu as dû te rendre compte très rapidement que dans l’entourage du chef de l’Etat, tu bénéficiais plutôt de présomption de suspicion que d’une présomption de bonne foi. Pourquoi ? Simplement parce que tu t’appelles Moussa Touré. Tu étais donc obligé d’être plus zélé que les autres, plus extrémiste que les autres, plus pourfendeur de la rébellion que les autres, plus dénigreur de l’opposition que les autres…pour montrer ta bonne foi. D’où tes déclarations tonitruantes et tous azimuts qui finalement ne réussirent pas à ébranler la présomption de suspicion qui te frappe. Puisqu’à la fin, ceux pour qui tu disais combattre sont allés trouver un homme du sérail, pour tenter de te prendre le GPP. Aujourd’hui Bouazo Yokoyoko contrôle une partie du mouvement et toi, une autre partie. J’ignore qui tient la branche majoritaire. Rappelles-toi quand tu as été victime d’une tentative d’assassinat, il y a trois ans. Cela n’a ému personne si ce n’est la presse. Tu aurais pu y laisser ta peau. Aujourd’hui, on ne te citerait même pas comme un martyr.
Grand frère,
Cela fait cinq ans que tu dis combattre pour eux. Regarde ce qu’ils ont fait de ta vie. Quels sont tes acquis ? Quel est ton bilan social, financier, immobilier ? Tu n’as aucun acquis. Tu n’as aucune assise financière. Tu n’as aucun bien immobilier. Dans la hiérarchie sociale, tu n’es rien. Tu es tout simplement Moussa Touré Zéguen. Rien de plus. Tu ne t’appelles ni Richard Dakoury, ni Thierry Légré, encore moins Blé Goudé. Tu es Moussa Touré Zéguen. Je l’ai déjà dit à Eugène Djué, ce grand garçon dont la dignité a été bafouée (il a été bastonné à la résidence du chef de l’Etat) et qui bafoue lui-même sa propre dignité (il est allé demandé pardon à Laurent Gbagbo, sans doute pour s’être fait bastonner chez lui). Je lui ai dit après sa bastonnade qu’il venait de faire l’expérience de la refondation. Chacun de nous, qu’il soit proche du régime ou non fera son expérience de cette refondation abjecte. Tu viens de faire la tienne. J’espère tout simplement que tu vas en tirer des leçons. J’ose l’espérer.
André Silver Konan
Bonjour grand frère,
C’est avec moins de surprise que j’ai appris dans des journaux, le samedi de Pâques, la nouvelle de ton arrestation et de ton défèrement devant le parquet. Ainsi, ai-je pu lire que tu as été arrêté chez toi à domicile à la Riviera Palmeraie, le jeudi, par des éléments puissamment armés du Centre de commandement des opérations de sécurité (CeCOS). Tu aurais été conduit à l’école de gendarmerie où tu aurais passé la nuit. Le lendemain vendredi, tu aurais été déféré devant le parquet du tribunal de Yopougon. "Atteinte à la sûreté de l’Etat" ! C’est à tomber des nues. Toi, le patriote, le chef milicien, le défenseur des institutions de la république, le soldat de Gbagbo…accusé de fomenter un sale coup contre Laurent Gbagbo ! Je ne ferai pas comme tes camarades de la Coordination nationale des patriotes pour la paix (CNPP) dirigée par Eugène Djué, qui clament à priori que tu n’as rien fait et que tu dois être libéré hic et nunc. Eux, ils n’ont certes pas tort d’avoir cette position. La CNPP est la mal aimée des mouvements patriotiques. Elle est donc une coordination de "patriotes" frustrés de ne pas mériter le respect que le chef de l’Etat et son entourage doivent aux autres leaders "patriotes" et, aigris de se retrouver gros Jean (les autres, version Blé Goudé s’étant enrichis ou ayant été casés dans l’administration tant publique que parapublique). Je ne ferai, dis-je, pas comme eux. J’ignore ce que la gendarmerie dispose comme preuves contre toi. Ce que je dis, c’est qu’elle doit nous présenter ces preuves maintenant. Cela vaut aussi bien pour toi que pour toutes les personnes qui sont arrêtées pour activités présumées subversives et contre qui on ne brandit jamais de preuves, si ce ne sont que des allégations ridicules. Si la gendarmerie n’a rien contre toi, si le substitut du procureur et le juge d’instruction n’ont aucune preuve qui atteste ton implication dans une telle affaire, tu dois être libéré. Immédiatement. Cela vaut aussi bien pour toi que pour tous ces Ivoiriens et non Ivoiriens qui croupissent, dans les geôles sales et déshumanisantes du pays.
Grand frère,
Rappelle-toi la dernière fois que nous nous sommes rencontrés. C’était l’année dernière à la PISAM. Tu étais interné dans cet établissement sanitaire après une maladie qui t’avait particulièrement affaibli. Je t’ai trouvé amaigri. Dans ta chambre d’alité, tu avais ta mère auprès de toi, ainsi que ta compagne. Tu avais aussi un frère et enfin un de tes éléments du Groupement des patriotes pour la paix (GPP). Dans ta chambre d’hôpital, ceux qui étaient autour de toi, qui te soutenaient, étaient principalement les membres de ta famille. Rappelle-toi que je t’avais demandé où se trouvaient tous ces barons de la république pour qui tu disais combattre ? Tu m’as répondu, en tentant de relativiser que c’est grâce à une prise en charge de la présidence que tu avais pu être interné dans cette clinique, preuve selon toi que tu n’étais pas abandonné. Bien mince ! Te rappelles-tu que je t’avais dit ce jour, en présence de Jules Claver Aka, mon collègue, que tôt ou tard, tu aurais maille à partir avec le régime que tu défends ? Tu m’as répondu que c’était impossible. Je t’ai rétorqué que « tu sais que je n’ai pas tort". Et on a ri.
Grand frère,
Ce jour-là, je ne croyais pas si bien dire. Tes déboires d’aujourd’hui étaient prévisibles et autant inéluctables. Revisitons un peu ton passé récent et tu seras édifié. Tu étais le numéro deux de Charles Groguhet au GPP. Après son grave accident qui l’a éloigné de la vie publique, tu as été amené à prendre le contrôle du mouvement. C’est vrai qu’avant qu’il ne soit contraint par le destin à se mettre en retrait, toi-même soutenu par certaines personnes, ambitionnait de récupérer le GPP parce que sa ligne originelle commençait à dévier. Quand tu as pris le GPP, tu as été très vite confronté à ce que les Eugène Djué, Fofana Youssouf, Watchard Kédjébo et autres ont dû faire face et que je ne qualifierai pas de tribalisme comme l’ont fait les deux premiers cités. Tu as dû te rendre compte très rapidement que dans l’entourage du chef de l’Etat, tu bénéficiais plutôt de présomption de suspicion que d’une présomption de bonne foi. Pourquoi ? Simplement parce que tu t’appelles Moussa Touré. Tu étais donc obligé d’être plus zélé que les autres, plus extrémiste que les autres, plus pourfendeur de la rébellion que les autres, plus dénigreur de l’opposition que les autres…pour montrer ta bonne foi. D’où tes déclarations tonitruantes et tous azimuts qui finalement ne réussirent pas à ébranler la présomption de suspicion qui te frappe. Puisqu’à la fin, ceux pour qui tu disais combattre sont allés trouver un homme du sérail, pour tenter de te prendre le GPP. Aujourd’hui Bouazo Yokoyoko contrôle une partie du mouvement et toi, une autre partie. J’ignore qui tient la branche majoritaire. Rappelles-toi quand tu as été victime d’une tentative d’assassinat, il y a trois ans. Cela n’a ému personne si ce n’est la presse. Tu aurais pu y laisser ta peau. Aujourd’hui, on ne te citerait même pas comme un martyr.
Grand frère,
Cela fait cinq ans que tu dis combattre pour eux. Regarde ce qu’ils ont fait de ta vie. Quels sont tes acquis ? Quel est ton bilan social, financier, immobilier ? Tu n’as aucun acquis. Tu n’as aucune assise financière. Tu n’as aucun bien immobilier. Dans la hiérarchie sociale, tu n’es rien. Tu es tout simplement Moussa Touré Zéguen. Rien de plus. Tu ne t’appelles ni Richard Dakoury, ni Thierry Légré, encore moins Blé Goudé. Tu es Moussa Touré Zéguen. Je l’ai déjà dit à Eugène Djué, ce grand garçon dont la dignité a été bafouée (il a été bastonné à la résidence du chef de l’Etat) et qui bafoue lui-même sa propre dignité (il est allé demandé pardon à Laurent Gbagbo, sans doute pour s’être fait bastonner chez lui). Je lui ai dit après sa bastonnade qu’il venait de faire l’expérience de la refondation. Chacun de nous, qu’il soit proche du régime ou non fera son expérience de cette refondation abjecte. Tu viens de faire la tienne. J’espère tout simplement que tu vas en tirer des leçons. J’ose l’espérer.
André Silver Konan