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29 août 2014 5 29 /08 /août /2014 13:06

Un jour, j’ai demandé à une amie ce que signifiait son prénom qui est très original. Elle m’a répondu qu’elle n’en savait rien. Je lui ai alors demandé l’origine de celui-ci. Elle m’a fait savoir que c’était un prénom juif. Cela m’a fait sourire. Son prénom avait bien une signification et son origine, c’était du verlan, le fameux nouchi français. Je le lui ai dit, elle a eu un choc et moi un déclic.

C’est depuis ce jour que j’ai pris la ferme résolution de me battre pour que les Africains en général et les Ivoiriens en particulier, disposent d’un vaste répertoire de prénoms (remarquez que je ne parle pas de noms, mais de prénoms) à la fois significatifs, originaux et beaux, ou si vous voulez sexy. D’où l’idée d’organiser cette conférence de presse pour lancer officiellement, après plusieurs mois de travaux, avec des amis qui partagent avec moi ce rêve, le vaste projet de prénoms ivoiriens du 21è siècle : beaux, originaux et significatifs.

 

Pourquoi des prénoms ivoiriens du 21è siècle ?

Pour plusieurs raisons. La première est qu’au 21è siècle, ce n’est vraiment pas cool d’appeler son enfant Koffi, Digbeu ou Moussa. Votre enfant vous en voudra toute la vie, parce qu’à l’école, il fera l’objet de sarcasmes, du fait de son prénom dépassé. Personnellement, je n’irai pas jusqu’à changer mes deux prénoms chrétiens, (c’est notre histoire, il faut l'assumer) donnés par mon père, mais j’ai décidé que mes enfants n’auraient pas une succession de prénoms romains, grecs, juifs ou américains.

La deuxième raison est qu’en réalité, les Ivoiriens n'ont pas un vaste répertoire de prénoms à leur disposition, comme les chrétiens avec le calendrier chrétien. Les Baoulé par exemple n’ont pas beaucoup de choix ; ils appellent notamment leurs enfants du prénom du jour où ils sont nés. Et comme il y a sept jours dans la semaine, ils appellent leurs enfants Kouassi, Kouadio, Konan, Kouakou, Yao, Koffi ou Kouamé. Les jumeaux s’appelleront N’Da, les enfants nés après les jumeaux, Amani, etc.

Du coup, les parents, qu’ils soient baoulé, kroumen, alladjan, niaboua, etc., qui ne veulent pas donner ces prénoms un peu vieillots, préfèrent se tourner vers des prénoms européens, israéliens ou américains, plus sexy, il faut l’avouer, mais pas moins significatifs. C’est ainsi que vous verrez de petites filles porter des prénoms kilométriques du genre Grâce Emmanuela Solenne Anne Christine Sémien. Cinq prénoms venus d'ailleurs pour un nom ivoirien !

Je ne pense pas que ces parents qui vont chercher des prénoms ailleurs sans forcément connaître leur signification et conséquemment leur influence sur la vie sociale et spirituelle de leur enfant ; le font par ignorance. Je pense qu’ils le font parce qu’ils ne disposent pas de répertoire de prénoms typiquement africains (ivoiriens), beaux, significatifs et bien écrits. Parce qu’il ne faut pas oublier notre histoire. Au temps des pères de nos pères, le colon imposait un prénom catholique à chaque enfant qui devrait rentrer à l’école des missionnaires. C’est ainsi qu’a commencé le processus d’effacement des prénoms africains, puisque nos pères ont hérité de cette culture occidentale et nous-mêmes sommes en train de la perpétuer, en nous faisant librement complices de la disparition annoncée de nos propres prénoms.  

 

Le but du projet

Ce projet que nous initions vise donc à établir 366 prénoms ivoiriens dans toutes les langues du pays, avec leur signification et leur origine. Nous espérons ainsi établir avant la fin de l’année 2014, des calendriers de prénoms abbey, agni, baoulé, bété, dioula, dida, ébrié, gouro, lobi, tagbanan, sénoufo, yacouba, etc. L’idée est simple : à la place des prénoms habituels qui sont sur les calendriers, on proposera des prénoms bien de chez nous. Alors quand vous aurez un bébé, il ne vous suffira qu’à prendre le calendrier de votre choix et à noter le ou les prénom(s) que vous voulez pour votre enfant.

Le deuxième outil sera un livret de prénoms ivoiriens. Les autres outils seront les sites Internet, les réseaux sociaux, exclusivement consacrés aux prénoms africains (ivoiriens).

 

Quelques exemples de prénoms

Autant le dire clairement, nous n’avons pas la prétentieuse vocation à créer de nouveaux prénoms. Nous voulons juste établir un vaste répertoire de prénoms africains (ivoiriens) afin que quiconque le désire y compris les occidentaux, aille y puiser son prénom.

C’est pour cette raison que notre démarche se base aussi sur l’écriture du prénom.

Je vous livre quelques prénoms que vous retrouverez dans notre répertoire : Abrogoua, Abraha, Assam, Adams, Assimini, Anangaman, Assoyam, Bétyssa (le prénom de ma fille), Blédja, Crézoit, Essoumien, Fama, Faitai, Faty, Fohoundi, Hawa, Kadia, Makissi, Malyka, Massény, Mayéni, Melem, Mokan, Portio, Saga, Samory, Sandjé, Timy, Wawa, Wawayou, Yeny, Yelly, Yenikan, Zara, etc.

Ces prénoms ont tous des significations, allant du prénom d’un héros ivoirien de l’époque ancienne (Abrogoua, Abraha, Samory) ou de notre époque (Saga), au prénom philosophique (Bétyssa celle qui a vocation à être écoutée donc la femme leader ou Crézoit l’œuf, c’est-à-dire, celui dont on doit prendre beaucoup soin, le trésor ou encore Wawayou l’enfant chéri), en passant par le prénom ayant un sens particulier (Anangaman l’Eternel, Fama le roi, etc.).

Tous ceux qui ont des idées de prénoms, peuvent nous envoyer ceux-ci, avec leur signification et leur origine à prenomsivoiriens@gmail.com ou sur Facebook à travers la page Prenoms Ivoiriens et le hastag #PrenomsIvoiriens.

Notre génération a le pouvoir et le devoir de réhabiliter nos prénoms africains. Il est temps pour l’Afrique d’écrire sa propre Histoire, plutôt que de la subir !

 

André Silver Konan

Journaliste-écrivain

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3 novembre 2012 6 03 /11 /novembre /2012 08:53

 

La fête de l’Abyssa, qui marque le début de l’année chez les N’Zima de Grand-Bassam est en cours actuellement. Le grand public va (re)découvrir une célébration marquée par des rythmes endiablés, des chants de réjouissance, des parades carnavalesques et l’étalage du riche patrimoine culturel akan. Peu de personnes sauront qu’en fait, l’Abyssa, est un rite tricentenaire, transmis de génération à génération, conçu dans un esprit de démocratie et qui appelle à la vérité, au pardon et à la réconciliation. Enquête sur les deux faces cachées de l'Abyssa. Cet article réalisé l'année dernière, n'a jamais été mis en ligne (NDLR).

 

Sur le sable de la plage d’Azurety (commune de Grand-Bassam), dans cette nuit chaude du samedi 5 novembre 2011, des centaines de N’Zima, tous de blancs vêtus, et badigeonnés pour certains de kaolin (symbole de la purification et de la spiritualité chez les Akan en général et les N’Zima en particulier), courent et jettent des cailloux dans la mer.

Cette cérémonie se déroule loin des regards de la foule nombreuse qui, quelques heures plus tôt, s’est déplacée dans la journée, sur la place de l’Abyssa à Grand-Bassam pour assister aux danses, aux saynètes, aux défilés et autres qui marquent la célébration de cette fête annuelle, le 1er janvier chez les N’Zima.

Au-delà des réjouissances, des danses au son de la fanfare et de l’ « Edon’gbolé », le tambour sacré paré de tissu blanc et de feuilles de raphia, des chants de groupes artistiques, de défilés de groupes sociaux ou de personnes parodiant une scène de la vie publique, très souvent en tenues excentriques, l’Abyssa, cache, en fait deux étapes cruciaux. Deux étapes qui font son charme depuis que les génies protecteurs du village des N’Zima, ont institué cette célébration, par l’intermédiaire du prêtre (kominlin en N’Zima) Koudoum.

« Les anciens vous diront que la fête de l’Abyssa ne s’appelle pas Abyssa, mais Koudoum, du nom du « kominlin » à qui des génies ont fait la grâce de confier les bienfaits de cette fête », indique Pacôme Ezané, cadre et membre du comité d’organisation de l’Abyssa 2011.

Partage et don de soi

L’un des côtés caché de Koudoum ou Abyssa est la cérémonie du jet de pierres à la mer. Lors de cette cérémonie, à laquelle seuls les autochtones n’zima ont le droit de participer, l’on formule des vœux pour la nouvelle année.

« Ceux qui veulent rencontrer l’amour de leur vie formulent ce vœu. Idem pour ceux qui veulent être fortunés pour mieux se mettre à la disposition de la communauté. Il y a aussi les femmes qui souhaitent avoir des enfants. Bref, toutes sortes de vœux sont formulés. Et ils sont exhaussés, s’ils sont sincères et surtout formulés dans un esprit de partage et de don de soi », révèle Dr Lazare Amon, un enseignant qui fait des recherches sur la culture n’zima.

Des vœux exhaussés ? Rien n’est moins sûr. Cependant les N’Zima croient en cette cérémonie, comme les chrétiens catholiques croient au baptême. Comme les chrétiens au cours de la messe, les N’Zima, au cours de cette cérémonie que certains N’Zima chrétiens notamment, associent à de la sorcellerie, les « kominilin » récitent le verset d’Afontché, du nom d’un génie protecteur, l’équivalent de l’ange gardien chez les chrétiens. Ce verset récité en N’Zima originel est récité depuis trois siècles par les successeurs de Koudoum, le premier prêtre de l’Abyssa.

Réconciliation

La deuxième face cachée de l’Abyssa est l’expression la plus achevée de la démocratie en pays n’zima. C’est l’étape de vérité, au propre comme au figuré. Elle se déroule juste avant la cérémonie de vœux au bord de la mer, toujours loin des yeux indiscrets des « étrangers ».

Les sept familles (Alonwomba, Mafolè, N’Wavilè, Adahonlin, Ezohile, N’djuaffo ou Ahua, Azanwoulé) qui composent le peuple n’zima à l’image des sept castes d’Egypte dont ce peuple se dit descendant, se scindent en deux groupes. D’un côté les femmes, de l’autre les hommes. Les deux groupes se livrent à un jeu d’autocritique et de critiques dont l’enjeu est la catharsis collective.

La coutume exige que les critiques se fassent dans un esprit de bon ton et que les destinataires soient réceptifs. « C’est tout ce qu’il y a de démocratique, soutient Dr Lazare Amon. D’un : les critiques se font avec des mots bien choisis, pour ne pas offenser. De deux : personne n’est cité nommément pour ne pas verser dans les règlements de compte. De trois : les personnes visées par les critiques y compris le roi lui-même (en l’occurrence Sa Majesté Nanan Amon Tanoé, NDLR) ont le devoir de les accepter. Enfin, et c’est le plus important : tout le monde s’engage à intégrer les critiques dans sa vie de tous les jours et à rectifier le tir durant l’année qui va suivre ».

Pour le spécialiste de la culture n’zima, il ne fait l’ombre d’aucun doute que « la démocratie existait dans nos sociétés africaines bien avant l’arrivée des Européens en Afrique. Les N’Zima le prouvent à travers cette cérémonie qui est la forme la plus achevée de la transparence, de la vérité et surtout de la réconciliation ».

Finalement, l’Abyssa n’est pas seulement une fête populaire de réjouissance, c’est une cérémonie intra-muros qui célèbre la démocratie et la réconciliation chez les N’Zima. Le résultat est patent : de Petit Paris à Azurety en passant par Impérial, Agnonty, et autres quartiers de Grand-Bassam, il est rare de voir des N’Zima étaler leurs différends politiques, fonciers, commerciaux, etc. sur la place publique. Chez ce peuple, l’Abyssa  règle tout…enfin presque tout.

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24 février 2008 7 24 /02 /février /2008 14:18
 

Mystère autour d’une série macabre 

D’un côté, il y a ceux qui meurent après une vie pleine. De l’autre, il y a ceux qui partent sans avoir achevé la course. Le 13 février, dans une clinique française Henri Salvador quittait le monde des vivants, à 90 ans révolus. Le 14 février, dans une clinique abidjanaise, Joëlle C cédait à son tour le micro. Elle avait 33 ans. Deux microcosmes artistiques. Deux destins différents. Pourquoi les artistes ivoiriens meurent-ils si…tôt 
 

Cinq artistes chanteurs sont morts en moins de quatre mois en Côte d’ivoire. Tous avaient moins de quarante ans. Avant  Joëlle C décédée d’une insuffisance rénale à 21 heures 20 le jeudi 14 février, dans une clinique à Abidjan, il y a eu Christelle Marie Ruth Tondey. Elle est décédée des suites d’une méningite aigue le 22 novembre 2007. Pendant près d’un semestre, elle a porté, dans une rare dignité caractéristique des artistes anoblis par leur art, la croix de ce mal pernicieux détecté certes pas très tôt. Ruth Tondey a arrêté ses trémolos enlevés dans un hôpital public. Ce n’était pas dans le dénuement. Ce n’était non plus pas dans l’opulence. Après elle, deux autres artistes chanteurs ont passé…le micro à gauche. Il s’agit de Kunta et de Officier public. Le dernier cité a été enterré samedi.  Les successives disparitions de ces deux artistes ont surpris plus d’un. Sur les circonstances exactes de leur mort, il n’y a guère d’informations précises. Plutôt des histoires irrationnelles qui en rajoutent au mystère entretenu ou créé autour de la mort des artistes ivoiriens.

 

Légendes et mystères

En fin de semaine dernière, le cinquième artiste à avoir baissé le rideau était Bi Kalou Smoky de Bédiala. Ces quatre derniers mois ont donc connu leur mort en cascade d’artistes ivoiriens. Presque chaque année, l’histoire semble se répéter à un rythme effroyable dans le microcosme artistique ivoirien. Des cycles infernaux qui plongent les mélomanes ivoiriens dans le deuil. A la fin de l’année 2006, c’était la séquence maudite qui a emporté coup sur coup Djessan Ayateau (3 octobre) et Stéphane Doukouré dit Douk Saga (12 octobre). Le premier est mort dans le quasi délaissement au Centre hospitalier et universitaire (CHU) de Yopougon, réputé pour son service approximatif à l’instar d’ailleurs de presque tous les hôpitaux publics du pays. Douk Saga, lui, après plusieurs rechutes liées à une pathologie pulmonaire. Il avait 32 ans. Beaucoup d’encre et de salive ont coulé sur la disparition du seul artiste ivoirien qui a connu une percée fulgurante et une reconnaissance internationale après la sortie de son premier album et en seulement quatre ans de métier. Une légende rythmée par des soupçons de pratiques vaudou orchestrées par un rival béninois a été créée de toutes pièces par des proches de l’artiste avant et après sa mort. La même légende a aussi entouré la disparition (31 mars 2007), à 33 ans de Yves Allany Brou connu sous le nom de Alan DJ. Victimes des déchets toxiques, avait couru la rumeur. Quand la même rumeur attribuait aux sorciers de leur village respectif les disparitions de Lohoré de Sakolo ou de Akézo, deux artistes chanteurs qui dénonçaient dans leurs textes les sorciers et autres marabouts africains.

 

Pourquoi si tôt ?

La question que tous les Ivoiriens se posent aujourd’hui est de savoir pourquoi les artistes de ce pays meurent-ils si tôt, sinon si vite ? La disparition brutale et précoce de Joëlle C. remet au goût du jour cette question. Gadji Céli le président de l’Union des artistes de Côte d’ivoire (UNARTCI) qui s’est confié à des journalistes peu après l’annonce de la mort de Joëlle C., a jeté un pavé dans la mare. «Joëlle serait en vie aujourd’hui si elle avait été internée tôt dans un hôpital bien équipé. Les artistes sont confrontés à des problèmes très souvent d’ordre social. Depuis un moment, les artistes meurent en grand nombre. Cela est dû à leurs conditions de vie qui ne s’améliorent pas.

Joëlle C. est comme ma fille. Elle a grandi au sein de King Fusion. J’ai très mal car je connais le problème. On l’a internée dans une clinique à Marcory alors qu’elle aurait pu atterrir directement dans un hôpital bien équipé, elle serait encore en vie aujourd’hui ».

Exit mystères et légendes. La pauvreté serait à en croire Gadji Céli la cause principale de la disparition précoce des artistes ivoiriens.

Pourrait-il avoir tort ? Rien n’est moins sûr. Une chose est certaine, l’espérance de vie en Côte d’Ivoire a considérablement baissé. En 2005, selon le Fonds des nations unies pour l’enfance, la culture et l’éducation (UNICEF), l’espérance de vie était de 45 ans. En 1970, elle s’élevait à 47 ans. La tendance des morts précoces semble être la chose la mieux partagée en Côte d’Ivoire.

 

 

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