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3 avril 2008 4 03 /04 /avril /2008 16:16

 

Abel Séa, 26 ans, est mort. Tué d’une balle sous la tempe par un policier. Junior Kouamé, 18 ans, est mort des suites de ses blessures causées par une bouteille de gaz lacrymogène. Pendant deux jours, des femmes et des jeunes hommes ont pris les rues et bravé les balles assassines de la police politique.
Quatre jours après, rien. Pas un seul mot, pas une seule action, pas un seul soupçon de compassion encore moins d’encouragement de l’opposition ivoirienne.
Abel Séa n’est pas descendu dans les rues pour crier qu’il ne pouvait plus de résister à la faim suite à un appel d’un parti politique. Junior Kouamé pour sa part ne participait pas à la marche. La mort l’a trouvé à la maison. Mais leurs familles sont en droit, après leur assassinat, d’attendre de l’opposition ne serait-ce qu’un message de compassion. Hier, à notre connaissance ni le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, qui ambitionne de revenir au pouvoir) ni le Rassemblement des républicains (RDR, qui espère gouverner après le Front populaire ivoirien) n’ont mené de démarche officielle à l’endroit des familles des jeunes victimes.
Laurent Gbagbo n’a aucun respect pour la vie humaine. C’est une lapalissade. Qu’il ne verse aucune larme sur les assassinats et les exactions des policiers ne surprend guère. C’est le contraire qui aurait surpris. Mais que les principaux partis de l’opposition et surtout leurs dirigeants brillent par leur manque de solidarité, de soutien et de compassion à l’endroit des victimes de la machine répressive du pouvoir, voilà qui est sidérant et autant désespérant.
L'opposition ivoirienne est fondamentalement désespérante. Ses leaders totalement coupés des problèmes sinon des Ivoiriens, à tout le moins du petit peuple, ont fatalement démissionné.
Laurent Gbagbo dont l’esprit de l’opposition était certes pernicieuse, avait néanmoins le mérite quand il était opposant de savoir saisir les problèmes du petit peuple même s’il en faisait une exploitation honteusement politicienne.
Les victimes des déchets toxiques, des bavures policières, des escadrons de la mort, des manifestations sociales ne demandent pas que l’opposition fasse une récupération politicienne malhonnête de leurs déboires avec le régime de sang de Laurent Gbagbo. Un « yako » ne leur ferait pour autant aucun mal.
Malheureusement c’est un exercice apparemment trop difficile pour « l’opposition la plus nulle d’Afrique », qui croit béatement que le petit peuple qui rejette foncièrement Laurent Gbagbo pour tous les crimes sous son régime et pour son manque parfait de vision, lui offrira le pouvoir par dépit ou à défaut sur un plateau d’or non mérité.
Comme le dit le comédien « Dormez seulement. A Abidjan ici, dormez ! ».

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28 mars 2008 5 28 /03 /mars /2008 17:54
"Cela fait 5 ans que tu combats pour eux, regarde ce qu’ils ont fait de ta vie"

Bonjour grand frère,
C’est avec moins de surprise que j’ai appris dans des journaux, le samedi de Pâques, la nouvelle de ton arrestation et de ton défèrement devant le parquet. Ainsi, ai-je pu lire que tu as été arrêté chez toi à domicile à la Riviera Palmeraie, le jeudi, par des éléments puissamment armés du Centre de commandement des opérations de sécurité (CeCOS). Tu aurais été conduit à l’école de gendarmerie où tu aurais passé la nuit. Le lendemain vendredi, tu aurais été déféré devant le parquet du tribunal de Yopougon. "Atteinte à la sûreté de l’Etat" ! C’est à tomber des nues. Toi, le patriote, le chef milicien, le défenseur des institutions de la république, le soldat de Gbagbo…accusé de fomenter un sale coup contre Laurent Gbagbo ! Je ne ferai pas comme tes camarades de la Coordination nationale des patriotes pour la paix (CNPP) dirigée par Eugène Djué, qui clament à priori que tu n’as rien fait et que tu dois être libéré hic et nunc. Eux, ils n’ont certes pas tort d’avoir cette position. La CNPP est la mal aimée des mouvements patriotiques. Elle est donc une coordination de "patriotes" frustrés de ne pas mériter le respect que le chef de l’Etat et son entourage doivent aux autres leaders "patriotes" et, aigris de se retrouver gros Jean (les autres, version Blé Goudé s’étant enrichis ou ayant été casés dans l’administration tant publique que parapublique). Je ne ferai, dis-je, pas comme eux. J’ignore ce que la gendarmerie dispose comme preuves contre toi. Ce que je dis, c’est qu’elle doit nous présenter ces preuves maintenant. Cela vaut aussi bien pour toi que pour toutes les personnes qui sont arrêtées pour activités présumées subversives et contre qui on ne brandit jamais de preuves, si ce ne sont que des allégations ridicules. Si la gendarmerie n’a rien contre toi, si le substitut du procureur et le juge d’instruction n’ont aucune preuve qui atteste ton implication dans une telle affaire, tu dois être libéré. Immédiatement. Cela vaut aussi bien pour toi que pour tous ces Ivoiriens et non Ivoiriens qui croupissent, dans les geôles sales et déshumanisantes du pays.

Grand frère,
Rappelle-toi la dernière fois que nous nous sommes rencontrés. C’était l’année dernière à la PISAM. Tu étais interné dans cet établissement sanitaire après une maladie qui t’avait particulièrement affaibli. Je t’ai trouvé amaigri. Dans ta chambre d’alité, tu avais ta mère auprès de toi, ainsi que ta compagne. Tu avais aussi un frère et enfin un de tes éléments du Groupement des patriotes pour la paix (GPP). Dans ta chambre d’hôpital, ceux qui étaient autour de toi, qui te soutenaient, étaient principalement les membres de ta famille. Rappelle-toi que je t’avais demandé où se trouvaient tous ces barons de la république pour qui tu disais combattre ? Tu m’as répondu, en tentant de relativiser que c’est grâce à une prise en charge de la présidence que tu avais pu être interné dans cette clinique, preuve selon toi que tu n’étais pas abandonné. Bien mince ! Te rappelles-tu que je t’avais dit ce jour, en présence de Jules Claver Aka, mon collègue, que tôt ou tard, tu aurais maille à partir avec le régime que tu défends ? Tu m’as répondu que c’était impossible. Je t’ai rétorqué que « tu sais que je n’ai pas tort". Et on a ri.

Grand frère,
Ce jour-là, je ne croyais pas si bien dire. Tes déboires d’aujourd’hui étaient prévisibles et autant inéluctables. Revisitons un peu ton passé récent et tu seras édifié. Tu étais le numéro deux de Charles Groguhet au GPP. Après son grave accident qui l’a éloigné de la vie publique, tu as été amené à prendre le contrôle du mouvement. C’est vrai qu’avant qu’il ne soit contraint par le destin à se mettre en retrait, toi-même soutenu par certaines personnes, ambitionnait de récupérer le GPP parce que sa ligne originelle commençait à dévier. Quand tu as pris le GPP, tu as été très vite confronté à ce que les Eugène Djué, Fofana Youssouf, Watchard Kédjébo et autres ont dû faire face et que je ne qualifierai pas de tribalisme comme l’ont fait les deux premiers cités. Tu as dû te rendre compte très rapidement que dans l’entourage du chef de l’Etat, tu bénéficiais plutôt de présomption de suspicion que d’une présomption de bonne foi. Pourquoi ? Simplement parce que tu t’appelles Moussa Touré. Tu étais donc obligé d’être plus zélé que les autres, plus extrémiste que les autres, plus pourfendeur de la rébellion que les autres, plus dénigreur de l’opposition que les autres…pour montrer ta bonne foi. D’où tes déclarations tonitruantes et tous azimuts qui finalement ne réussirent pas à ébranler la présomption de suspicion qui te frappe. Puisqu’à la fin, ceux pour qui tu disais combattre sont allés trouver un homme du sérail, pour tenter de te prendre le GPP. Aujourd’hui Bouazo Yokoyoko contrôle une partie du mouvement et toi, une autre partie. J’ignore qui tient la branche majoritaire. Rappelles-toi quand tu as été victime d’une tentative d’assassinat, il y a trois ans. Cela n’a ému personne si ce n’est la presse. Tu aurais pu y laisser ta peau. Aujourd’hui, on ne te citerait même pas comme un martyr.

Grand frère,
Cela fait cinq ans que tu dis combattre pour eux. Regarde ce qu’ils ont fait de ta vie. Quels sont tes acquis ? Quel est ton bilan social, financier, immobilier ? Tu n’as aucun acquis. Tu n’as aucune assise financière. Tu n’as aucun bien immobilier. Dans la hiérarchie sociale, tu n’es rien. Tu es tout simplement Moussa Touré Zéguen. Rien de plus. Tu ne t’appelles ni Richard Dakoury, ni Thierry Légré, encore moins Blé Goudé. Tu es Moussa Touré Zéguen. Je l’ai déjà dit à Eugène Djué, ce grand garçon dont la dignité a été bafouée (il a été bastonné à la résidence du chef de l’Etat) et qui bafoue lui-même sa propre dignité (il est allé demandé pardon à Laurent Gbagbo, sans doute pour s’être fait bastonner chez lui). Je lui ai dit après sa bastonnade qu’il venait de faire l’expérience de la refondation. Chacun de nous, qu’il soit proche du régime ou non fera son expérience de cette refondation abjecte. Tu viens de faire la tienne. J’espère tout simplement que tu vas en tirer des leçons. J’ose l’espérer.

André Silver Konan
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14 mars 2008 5 14 /03 /mars /2008 12:34
Frappantes ressemblances !

 

L’un est le président contesté de l’un des rares pays d’Afrique orientale ayant connu une relative stabilité politique depuis son indépendance. L’autre est le président mal élu d’un pays jadis havre de paix. Le Kenyan Mwai Kibaki et l’Ivoirien Laurent Gbagbo ne sont certes pas des oiseaux de même plumage mais, à bien des égards, leur histoire vole ensemble. Portraits croisés.

Mwai Kibaki est un apparatchik. A 76 ans révolus, il est le troisième président de la République du Kenya après le père de l’indépendance (1963) Jomo Kenyatta (mort en 1978) et Daniel Arap Moi (1978-2002). L’histoire de Mwai Kibaki se confond avec celle du Kenya. Elève intelligent, étudiant brillant, il est élu député aux premières consultations parlementaires de 1963. Il ne quittera presque plus l’hémicycle. Maintes fois réélu au titre de l’Union nationale africaine du Kenya (KANU), le parti présidentiel, il fait son entrée au gouvernement en 1965. Ministre du Commerce et de l’industrie. Il n’a que 32 ans. Il occupe ce poste pendant quatre ans. En 1970, il est nommé ministre des Finances. Pendant treize ans, il est l’argentier du Kenya. Après la mort de Jomo Kenyatta, Daniel Arap Moi qui prend les rênes du pouvoir confie à Mwai Kibaki, parallèlement à sa mission d’argentier, le poste de vice-président de la République. Pendant une décennie (1978-1988), il est le numéro deux du pays. Il cumule ce poste (depuis 1983) avec celui de ministre de l’Intérieur. En 1988, il rompt avec le parti au pouvoir et le régime corrompu de Arap Moi. Il atterrit, deux ans plus tard avec, armes stratégiques, bagages humains, expérience politique et (immense) fortune, sur la piste de l’opposition. Il crée son propre mouvement politique, le Parti démocrate (DP) et côtoie l’enfant terrible de l’opposition,  Raila Odinga,  avec son parti, le Parti libéral démocrate (PLD).

 

Poche de moralité

Pour la population kenyane, c’est la preuve que Mwai Kibaki est une poche de moralité. En 2002, c’est Raila Odinga qui l’aide à battre le candidat du parti au pouvoir et homme de main de Daniel Arap Moi. L’accord de gouvernement que les deux hommes ont signé n’a pas été respecté par le président élu. Raila Odinga n’a jamais été le Premier ministre de Mwai Kibaki comme convenu dans l’accord de 2002. La roublardise.

Les Ivoiriens ne pensaient pas moins avant son arrivée au pouvoir « dans des conditions calamiteuses » en 2002, que Laurent Gbagbo était une poche de moralité. Le quatrième chef de l’Etat après Houphouët-Boigny (1960-1993), Henri Konan Bédié (1993-1999) et Robert Guéi (24 décembre 1999-24 octobre 2000) a aujourd’hui 63 ans. Il était jusqu’à son élection en 2000, un éternel opposant. Elève intelligent, étudiant turbulent, enseignant contestataire. Aux premières consultations pluralistes de 1990, il se fait élire député. Il est réélu sous les couleurs de son parti, le Front populaire ivoirien (FPI). Contrairement à Mwai Kibaki, Laurent Gbagbo n’avait aucune expérience gouvernementale. La différence entre les deux hommes se mesure surtout en terme de performance économique. En 2007, la croissance a atteint 6% au Kenya. Pendant ce temps, la Côte d’Ivoire se battait pour atteindre 1%. Les deux hommes sont opposés par leur personnalité. Mwai Kibaki est un homme calme. Il a une voix posée. Il est un savant mélange de faux timide, d’homme qui fait mine d’être dépassé et qui hésite à prendre une décision. En cela, il est différent d’un Laurent Gbagbo vif et spontané, à la voix gouailleuse qui dit tout de suite "oui" avant de se rendre compte qu’il devrait dire "non" et qui finit par dire, "peut-être".

Laurent Gbagbo a fait le service militaire sur décision de l’administration du parti unique. Mwai Kibaki en a été empêché en raison d’une décision du gouvernement colonial.

 

Hélas, ils se ressemblent !

A ne pas s’y méprendre pour autant. L’histoire, les faits et les actes de Mwai Kibaki rejoignent quasi étrangement le parcours politique de Laurent Gbagbo. Les deux hommes ont été formés à l’école catholique missionnaire. Tous les deux sont des historiens et ont une expérience parlementaire. Ils excellent dans les alliances circonstancielles. En 2002, Mwai Kibaki s’est allié à Raila Odinga avant de le lâcher. Pour le scrutin de décembre 2007, il s’est allié à l’ex parti au pouvoir dont il était sorti et dont il a battu le candidat en 2002. En 1994, le socialiste Laurent Gbagbo et le FPI (parti de gauche) se sont alliés au sein du Front républicain à l’ultra libéral Alassane Ouattara et à son parti de centre droit, le Rassemblement des républicains (RDR). En 1999, il s’est allié aux putschistes avant de chasser du pouvoir son champion, le général Robert Guéi. En 2005, Mwai Kibaki a réussi à liguer contre lui les quatre principaux partis de l’opposition qui ont créé le Mouvement démocrate orange (ODM-Kenya). C’est une coalition qui ressemble fort bien au Rassemblement (ivoirien) des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Pour faire face à l’ODM, Mwai Kibaki dont le parti (DP) n’était plus aussi vivant (ce qui n’est pas forcément le cas du FPI bien que le parti présidentiel présente des signes d’essoufflement) que par le passé, suscita le Parti de l’unité nationale (PNU, rassemblement de plusieurs partis politiques, pour la plupart insignifiants). Le PNU n’est pas moins la version kenyane du Congrès national pour la résistance et la démocratie (CNRD) qui compte en son sein Uhuru Kenyatta, l’un des hommes vestiges de l’ex-parti au pouvoir, le KANU. Uhuru Kenyatta est au Kenya ce que Talleyrand a été pour la France et ce que Laurent Dona Fologo est pour la Côte d’Ivoire. A savoir des transhumants politiques notoires. Lors de la campagne présidentielle, Mwai Kibaki a été le premier à accuser ses adversaires, sans pouvoir le prouver, de faire campagne « selon des critères tribaux ». Exactement, ce qu’a dénoncé à Adzopé Laurent Gbagbo, il y a environ deux mois.

Mwai Kibaki et Laurent Gbagbo se ressemblent surtout par leur penchant à ne pas tenir leurs promesses aussi bien électorales que politiques. Mwai Kibaki avait promis aux Kenyans de lutter contre le favoritisme clanique, la corruption généralisée, la militarisation de la police. Il n’a pas fait mieux que Daniel Arap Moi. En Côte d’Ivoire, la corruption a atteint un niveau tel que des déchets toxiques ont été envoyés dans le pays. La police paramilitaire (CECOS) tue et rackette. Le favoritisme clanique est souvent dénoncé par les partisans mêmes du chef de l’Etat. Mwai Kibaki a été accusé de roublardise par Raila Odinga. Laurent Gbagbo est accusé par ses adversaires de roublardise et lui-même le revendique.

Le 30 décembre 2007 à Nairobi, comme le 26 octobre 2000 à Abidjan, Mwai Kibaki a fait appel au président de la cour suprême Evans Gicheru (le Tia Koné local), quelques heures seulement après son élection contestée (comme en Côte d’Ivoire) pour prêter serment la main droite sur la Bible (en Côte d’Ivoire c’est le livre de la Constitution) alors que les affrontements sanglants se poursuivaient dans les rues de Nairobi (comme en octobre 2000 à Abidjan). Les violences post-électorales au Kenya ont fait plus de 1000 morts. En Côte d’ivoire, elles ont fait à l’issue des élections présidentielle et législatives (au Kenya, les deux se sont déroulées en même temps et l’opposition a remporté les législatives comme cela a été le cas en Côte d’Ivoire en décembre 2000) 303 morts.

Le Kenyan Mwai Kibaki et l’Ivoirien Laurent Gbagbo semblent partager la même vision de gestion du pouvoir marqué par cette sentence terrible du second : "Mille morts à gauche, mille morts à droite, moi j’avance".

                                                                                          

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29 février 2008 5 29 /02 /février /2008 13:38

 

« Votre manque d’empressement à faire la lumière sur le détournement de fonds fait douter »

 

Bonjour monsieur le président de l’université de Cocody,

Depuis le début du mois, j’éprouvais le besoin de vous adresser une lettre. Je ne l’ai pas fait. Je ne le fais qu’aujourd’hui. Je voulais vous donner le temps de me convaincre de ne pas vous adresser une lettre. A tout le moins, de vous adresser une lettre de félicitations. Je dois avouer que vous ne me laissez pas le choix. A défaut d’une lettre de félicitations, c’est une lettre ouverte que je me permets de vous envoyer. Le délai d’observation, que je me suis moi-même fixé, a expiré. Hélas, vous ne m’avez pas découragé par vos actes, propos et même insinuation sur la voie que je me permets de prendre.

 

Monsieur le président,

Je ne suis pas fier de vous. Autant vous le dire tout de suite. Depuis l’éclatement de cette affaire, j’ai suivi chacune de vos déclarations, chacun de vos actes, chacun de vos propos et les non-dits qui en ont découlé. J’en suis arrivé à la conclusion que vous avez des choses à dire que vous n’osez pas dire pour l’instant. Le peu d’empressement que vous avez, pire votre manque d’empressement à faire rapidement la lumière sur cette affaire de détournements de 518 millions Fcfa (ou 516 millions de Fcfa) fait douter. Cela vous fait passer pour quelqu’un qui a quelque chose à cacher. Quelque chose qui peut avoir un rapport avec l’affaire en question ou qui n’a rien à voir, mais qui pourrait être découvert si des limiers s’aventuraient un peu loin dans les enquêtes. Je voudrais être très clair. Je ne vous accuse de rien. Je ne vous suspecte de rien notamment dans cette affaire. Je m’étonne tout simplement de votre attitude. Et je doute.

 

Monsieur le président,

Je vais vous dire pourquoi vous me faites douter.

Premièrement. Nous sommes le lundi 4 février 2008. Le journal "Le Nouveau Réveil" révèle, dans un article, signalé à sa "une" que plus de 500 millions Fcfa ont été soutirés des comptes de l’université de Cocody dont vous êtes le président. Le lendemain, au sortir d’un conseil d’université convoqué en hâte, vous reconnaissez les allégations du journal. En effet, Pr. Benjamin Djérédou, chef du service communication de l’université anime un point de presse dans une atmosphère lourde dans la salle du conseil. Je me permets de vous rappeler ce qu’il a dit d’entrée de jeu. En « décembre (2007), le service de la comptabilité a informé le président de l’université que son compte avait été débité d’un montant de 518 millions de Fcfa ». Je m’arrête à ce niveau. Pour marquer mon étonnement concernant certaines déclarations contradictoires. Au sortir du conseil de gestion, convoqué ici encore, à la hâte, le 21 février auquel a pris personnellement part le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique Ibrahima Cissé, vous avez déclaré qu’il s’agit plutôt de « 516 millions disparus et non 518 millions comme il se raconte dans les journaux ». Certes, c’est un écart négligeable de 2 millions Fcfa, cependant le chiffre de 518 millions Fcfa n’est pas une invention des journaux, mais il a été bel et bien avancé par votre chargé de communication lors de son point de presse, tenu le 5 février. Ça, ce sont les premières déclarations contradictoires. Les dernières déclarations contradictoires ont trait à la date où vous avez été informé du détournement des fonds. Votre chargé de communication qui, je vous le rappelle, a lu une déclaration écrite par le conseil de l’université, a dit que c’est en décembre 2007 que l’agent comptable (cette fonctionnaire du ministère de l’Economie et des finances qui doit être félicitée pour son acte patriotique) de l’université vous a informé de l’affaire. Votre secrétaire général, Dr Jérôme Balou Bi Toto, qui fait montre, depuis l’éclatement de l’affaire, d’un activisme médiatique qu’on ne lui connaissait jusque-là pas, a confié dans une interview publiée le 22 février dans "Fraternité Matin" que « l’affaire s’est déroulée en décembre et c’est en janvier que le président a été informé par l’agent comptable ». Contradiction. Sur la date de la plainte. Ce dernier a déclaré à "Fraternité Matin" que le président de l’université dont il est très proche « a porté plainte aujourd’hui ». Ce "aujourd’hui" représente le 21 février. Pourtant, dans un entretien accordé le 20 février à "Notre Voie", où il s’est invité lui-même, il a déclaré que « les enquêtes relatives au détournement de 518 millions de Fcfa (je vous fais remarquer que lui aussi parle de 518 millions Fcfa et non de 516 millions Fcfa) sur le compte de l’université de Cocody sont en cours. Nous avons même porté plainte ».

 

Monsieur le président,

Aidez-moi à comprendre. Comment expliquez-vous le fait que le secrétaire général de l’institution que vous dirigez déclare un jour que vous avez déjà porté plainte et dise le lendemain que c’est ce jour-là que vous venez de porter plainte ?

Au demeurant, cela m’amène à me lancer dans la deuxième raison qui fonde mon doute. Celle-ci est liée au peu d’empressement que vous avez à démasquer les voleurs. D’un, l’affaire a été éventée grâce à un article de presse publié deux mois après le déroulement des faits. Si "Le Nouveau Réveil" n’avait pas balancé ce scoop (comme dans le cas du scandale des déchets toxiques), il n’y aurait sans doute jamais eu de scandale. Depuis décembre (ou janvier, peu importe le mois), vous aviez l’information que 518 millions Fcfa (ou 516 millions Fcfa) avaient été soutirés des comptes de votre institution. Mais, vous avez gardé l’information. Comme si de rien n’était. Comme si vous vouliez protéger quelqu’un. Comme si vous vouliez cacher quelque chose. De deux, vous refusez de porter plainte contre le Trésor parce que selon vous « c’est lui qui gère (votre) compte ». C’est paradoxal. C’est bien parce que c’est le Trésor qui gère votre compte que vous devez poursuivre cette institution. C’est bien parce que c’est le Trésor qui a viré à quatre reprises sur deux comptes différents à la Banque atlantique et à la Caisse d’épargne, malgré les irrégularités constatées, selon vous, sur les chèques (imitation ( ?) de signature, absence de cachet sec et de bordereaux des destinataires) que vous devez poursuivre cette institution.

De trois, pour une affaire aussi grave dont vous avez été informé en décembre (ou en janvier), vous n’avez porté plainte qu’en février. Vous voudriez qu’on ne fasse pas la lumière sur cette affaire que vous ne vous y prendriez pas autrement. C’est vous qui auriez dû éventer cette affaire. C’est vous qui devriez faire du tapage autour de l’affaire et faire pression sur le ministère public pour que la police économique accélère les enquêtes. C’est vous qui devriez poursuivre le Trésor, si tant est que vous estimez que celui-ci n’a pas été vigilant donc a été complice actif ou passif.

 

Monsieur le président,

Je vais finir cette lettre où j’exprime mes doutes sur votre attitude, par une question toute simple : comment expliquez-vous le fait que depuis bientôt trois mois, personne dans ce pays, n’arrive à révéler le(s) nom(s) de la (ou des) personnes(s) à qui appartiennent les deux comptes logés dans deux banques bien connues à Abidjan ?

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24 février 2008 7 24 /02 /février /2008 14:18
 

Mystère autour d’une série macabre 

D’un côté, il y a ceux qui meurent après une vie pleine. De l’autre, il y a ceux qui partent sans avoir achevé la course. Le 13 février, dans une clinique française Henri Salvador quittait le monde des vivants, à 90 ans révolus. Le 14 février, dans une clinique abidjanaise, Joëlle C cédait à son tour le micro. Elle avait 33 ans. Deux microcosmes artistiques. Deux destins différents. Pourquoi les artistes ivoiriens meurent-ils si…tôt 
 

Cinq artistes chanteurs sont morts en moins de quatre mois en Côte d’ivoire. Tous avaient moins de quarante ans. Avant  Joëlle C décédée d’une insuffisance rénale à 21 heures 20 le jeudi 14 février, dans une clinique à Abidjan, il y a eu Christelle Marie Ruth Tondey. Elle est décédée des suites d’une méningite aigue le 22 novembre 2007. Pendant près d’un semestre, elle a porté, dans une rare dignité caractéristique des artistes anoblis par leur art, la croix de ce mal pernicieux détecté certes pas très tôt. Ruth Tondey a arrêté ses trémolos enlevés dans un hôpital public. Ce n’était pas dans le dénuement. Ce n’était non plus pas dans l’opulence. Après elle, deux autres artistes chanteurs ont passé…le micro à gauche. Il s’agit de Kunta et de Officier public. Le dernier cité a été enterré samedi.  Les successives disparitions de ces deux artistes ont surpris plus d’un. Sur les circonstances exactes de leur mort, il n’y a guère d’informations précises. Plutôt des histoires irrationnelles qui en rajoutent au mystère entretenu ou créé autour de la mort des artistes ivoiriens.

 

Légendes et mystères

En fin de semaine dernière, le cinquième artiste à avoir baissé le rideau était Bi Kalou Smoky de Bédiala. Ces quatre derniers mois ont donc connu leur mort en cascade d’artistes ivoiriens. Presque chaque année, l’histoire semble se répéter à un rythme effroyable dans le microcosme artistique ivoirien. Des cycles infernaux qui plongent les mélomanes ivoiriens dans le deuil. A la fin de l’année 2006, c’était la séquence maudite qui a emporté coup sur coup Djessan Ayateau (3 octobre) et Stéphane Doukouré dit Douk Saga (12 octobre). Le premier est mort dans le quasi délaissement au Centre hospitalier et universitaire (CHU) de Yopougon, réputé pour son service approximatif à l’instar d’ailleurs de presque tous les hôpitaux publics du pays. Douk Saga, lui, après plusieurs rechutes liées à une pathologie pulmonaire. Il avait 32 ans. Beaucoup d’encre et de salive ont coulé sur la disparition du seul artiste ivoirien qui a connu une percée fulgurante et une reconnaissance internationale après la sortie de son premier album et en seulement quatre ans de métier. Une légende rythmée par des soupçons de pratiques vaudou orchestrées par un rival béninois a été créée de toutes pièces par des proches de l’artiste avant et après sa mort. La même légende a aussi entouré la disparition (31 mars 2007), à 33 ans de Yves Allany Brou connu sous le nom de Alan DJ. Victimes des déchets toxiques, avait couru la rumeur. Quand la même rumeur attribuait aux sorciers de leur village respectif les disparitions de Lohoré de Sakolo ou de Akézo, deux artistes chanteurs qui dénonçaient dans leurs textes les sorciers et autres marabouts africains.

 

Pourquoi si tôt ?

La question que tous les Ivoiriens se posent aujourd’hui est de savoir pourquoi les artistes de ce pays meurent-ils si tôt, sinon si vite ? La disparition brutale et précoce de Joëlle C. remet au goût du jour cette question. Gadji Céli le président de l’Union des artistes de Côte d’ivoire (UNARTCI) qui s’est confié à des journalistes peu après l’annonce de la mort de Joëlle C., a jeté un pavé dans la mare. «Joëlle serait en vie aujourd’hui si elle avait été internée tôt dans un hôpital bien équipé. Les artistes sont confrontés à des problèmes très souvent d’ordre social. Depuis un moment, les artistes meurent en grand nombre. Cela est dû à leurs conditions de vie qui ne s’améliorent pas.

Joëlle C. est comme ma fille. Elle a grandi au sein de King Fusion. J’ai très mal car je connais le problème. On l’a internée dans une clinique à Marcory alors qu’elle aurait pu atterrir directement dans un hôpital bien équipé, elle serait encore en vie aujourd’hui ».

Exit mystères et légendes. La pauvreté serait à en croire Gadji Céli la cause principale de la disparition précoce des artistes ivoiriens.

Pourrait-il avoir tort ? Rien n’est moins sûr. Une chose est certaine, l’espérance de vie en Côte d’Ivoire a considérablement baissé. En 2005, selon le Fonds des nations unies pour l’enfance, la culture et l’éducation (UNICEF), l’espérance de vie était de 45 ans. En 1970, elle s’élevait à 47 ans. La tendance des morts précoces semble être la chose la mieux partagée en Côte d’Ivoire.

 

 

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15 février 2008 5 15 /02 /février /2008 13:23

« On vous a trop volés !»

 

Bonjour parents planteurs de café et de cacao,

J’ai choisi aujourd’hui de m’adresser à vous après les derniers rebondissements qui plombent encore la marche normale de votre filière. En terme de derniers rebondissements, il s’agit plutôt de la dernière révélation qui a mis à nu les intrigues politiciennes qui maintiennent votre filière dans l’artisanat et vous même dans la pauvreté. En effet, le communiqué officiel du ministre de l’Agriculture Amadou Gon Coulibaly en date du mercredi 6 février a jeté un pavé dans la mare. « Instructions de monsieur le président de la république ». C’était bien l’objet du communiqué. Pour sa première intrusion dans le magma de l’or brun, le ministre de l’Agriculture, connu pour être au-dessus des contingences dans la filière café-cacao, n’a pas voulu endosser des responsabilités à lui imposées. Aussi, a-t-il décrété que « toutes les instances de gestion actuelles des structures suivantes : BCC, FRC, FDPCC, notamment leurs conseils d’administration et leurs bureaux restent en place jusqu’aux enquêtes en cours sur la filière sous l’égide du procureur de la république ». Le communiqué a insisté pour dire qu’ « il reste entendu que pour la BCC, le conseil d’administration et son bureau d’avant la crise au sein de cette structure restent en place ». Il est clair que le communiqué, sinon l’instruction de Laurent Gbagbo ne visait seulement qu’à réhabiliter Lucien Tapé Do qui avait été démis de son poste de président du conseil d’administration (PCA) de la Bourse café cacao (BCC) quelques jours plus tôt.

 

Parents planteurs de café-cacao,

Mon intervention de ce jour se situe dans un contexte de crise, je dirais de pagaille totale dans votre filière, pourtant locomotive de l’économie de la Côte d’Ivoire. Une pagaille à la limite scientifique instiguée par une intrusion mafieuse du politique dans votre filière pourtant libéralisée. Comment en est-on arrivé là ? Nous sommes en 2000. Laurent Gbagbo arrive au pouvoir, comme vous le savez, dans des conditions calamiteuses. Coup sur coup, Laurent Gbagbo met en place les structures. Bourse du café cacao (BCC), Fonds de développement et de promotion des activités des producteurs de café et de cacao (FDPCC), Fonds de garantie des coopératives café cacao (FGCCC), Fonds de régulation et de contrôle (FRC). L’Autorité de régulation du café et du cacao (ARCC). L’Association nationale des producteurs de café-cacao de Côte d’Ivoire (Anaproci) mise en place sous le régime militaire de Robert Guéi constitue un terreau où pêche le chef de l’Etat pour contrôler les nouvelles structures de la filière. La plupart des personnes qu’il positionne sont ses proches triées très souvent dans l’entourage régional ou immédiat. Angéline Kili, Lucien Tapé Do, Jean Bayou Bagnon, Placide Zoungrana…La réponse de Laurent Gbagbo de la libéralisation de la filière suite à la question liée à la liquidation de la Caisse de stabilisation (CAISTAB) est donc une erreur de gestion. La lourdeur de la structure qui a plombé le fonctionnement de la CAISTAB dans les deux décennies 80-90 n’a pas servi d’exemple au nouveau pouvoir. La multiplication des structures dont les missions pourtant claires en théorie s’enchevêtraient dans la pratique a été une erreur économique doublée d’un manque de vision stratégique. De fait, le fonctionnement des structures devenait plus budgétivore que celui de la défunte CAISTAB. A titre d’exemple, 55 FCFA et 7 FCFA sont prélevés sur chaque kilogramme de café et de cacao respectivement pour le FDPCC et la BCC pour constituer leur budget. Le nombre pléthorique des structures obéissait dès lors à une vision de récompense de copains et échappait à la vision préalable qui a prévalu à la « mort » de la CAISTAB à savoir redynamiser un secteur, pourtant essentiel.

 

Parents planteurs de café-cacao

L’erreur est venue de là. La faute aussi. Car les ponctions cumulées reversées comme ristournes pour le fonctionnement des innombrables structures avait une incidence lourde sur le prix d’achat au producteur. Conséquence : le kilogramme de café et de cacao n’a jamais été payé à 3.000 FCFA comme l’avait promis Laurent Gbagbo. Aujourd’hui, le prix d’achat varie en dents de scie sur le marché national avec une barre qui n’a jamais dépassé le quart du prix d’achat promis. A l’analyse, ce prix aurait pu être meilleur si le financement des structures ne pesait pas sur le prix d’achat bord champ des matières premières. Quand, l’Etat encaisse son Droit unique de sortie (DUS), quand les différentes ponctions sont faites pour financer les nombreuses structures de la filière dont on ne voit guère l’importance, quand des acheteurs de produit et des pisteurs-intermédiaires marrons se torchent avec les prix fixés par la BCC, il ne reste plus au petit producteur qui se trouve dans les zones de production de la nouvelle boucle du cacao que de se contenter de miettes.

 

Parents planteurs de café-cacao

Le système mis en place par Laurent Gbagbo est pire sinon au même niveau que celui discriminatoire voire esclavagiste du colon. Quand vous avez voulu prendre vos responsabilités en dégageant les copains qui se partageaient pour certains sans mérite (ils ne possèdent pas un seul pied de cacao) le fruit de votre labeur, le chef de l’Etat a exigé que le ministre de l’Agriculture les rétablisse. Il a demandé que vous attendiez tranquillement les résultats des enquêtes ouvertes par le procureur Raymond Tchimou qui vous le savez autant que moi, est le champion des enquêtes interminables.

La Côte d’Ivoire est le premier producteur de cacao au monde. Mais notre pays n’a aucune voix au chapitre au marché à terme de Londres. Cela veut dire que des gens qui n’ont jamais vu un grain de cacao ni été jamais piqué par une fourmi magnan sur un caféier sont ceux qui en même temps qu’ils fixent le prix de nos matières premières, les achètent. Voici le défi de votre génération. Celle d’être les décideurs sur le marché de Londres. Mais, vous ne devez pas vous méprendre. Ce n’est pas avec des analphabètes « aux grands chapeaux » ni avec des intellectuels aux compétences limitées que se relèvera ce défi. La guerre du cacao devra avoir lieu. Celle de l’uniformisation du prix a été menée par vos aînés, à savoir les pionniers du Syndicat agricole africain. Félix Houphouët Boigny a bravé le colon le 22 décembre 1932, en  rédigeant sous un pseudonyme, un article engagé intitulé « On nous a trop volés » qui paraît dans un éditorial socialiste publié en Côte d’Ivoire dénommé le « Trait d’union ». L’article a fait mouche. Et a été le déclencheur de la lutte pour l’uniformisation des prix aux producteurs qu’ils soient africains (indigènes) ou Européens.

 

Parents planteurs de café-cacao,

Cela fait 76 ans que le plus grand planteur de tous les temps en Côte d’Ivoire a lancé le cri du ralliement et de la rupture. Sa lutte a payé, à son temps. 76 ans après, votre condition de vie est demeurée en l’état. On vous a trop volés ! Vous le savez plus que moi. Il vous reste à vous mettre en route pour l’affirmation de votre responsabilité. Soit vous acceptez qu’un système abject et esclavagiste (des temps nouveaux) continue de vous maintenir dans la pauvreté, soit vous décidez, comme l’ont fait vos aînés en 1932, de crier votre holà pour vous mettre en demeure de reconquérir vos richesses spoliées. Chaque génération a un défi à relever. Le votre sera de vous rendre à vous-mêmes votre propre filière tant sur le plan interne qu’au niveau du marché international. Il vous reste à décider si vous allez être les acteurs de cette nouvelle histoire ou si vous allez continuer à regarder l’histoire se dérouler pour que les générations futures constatent, à votre grande honte, que vous n’avez pas été capables de prendre vos responsabilités. L’histoire vous regarde. Les Ivoiriens vous observent. Le monde entier vous attend. La balle est inexorablement dans votre camp.

 

André Silver Konan

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12 février 2008 2 12 /02 /février /2008 11:38
 La proposition naïve et étriquée du Pr Mamadou Koulibaly

Le président de l`Assemblée nationale a encore fait une sortie. A Bouaflé, devant des ressortissants du nord, il a appelé à un abandon du franc CFA et martelé que c`était la seule voie pour la Côte d`Ivoire de sortir de la pauvreté. “On ne peut pas continuer avec un franc CFA surévalué qui nous appauvrit. On a une monnaie digne de l`Allemagne aujourd`hui, alors que nous sommes une économie pauvre d`Afrique. Il faut que l`on sache ce que l`on veut. Notre franc CFA, il faut que l`on en finisse avec". C`est la proposition de Mamadou Koulibaly, le président de l`Assemblée nationale et vice-président du Front populaire ivoirien (FPI). Il l`a réitéré le samedi dernier au cours d`un meeting organisé à l`intention de certains ressortissants du nord du pays, vivant à Bouaflé qui signaient leur départ du Rassemblement des républicains (RDR) pour le FPI. Cette proposition de Mamadou Koulibaly n`est certes pas nouvelle. Elle intervient cependant aujourd`hui dans un contexte de pauvreté généralisée qui fonde son actualité. La thérapie que propose le professeur d`économie est-elle la solution à la pauvreté qui frappe la Côte d`Ivoire particulièrement et les pays de l`Union économique et monétaire de l`Afrique de l`ouest (UEMOA) ? La réponse est incontestablement non ? Les raisons sont simples. Pour soutenir sa thèse, Mamadou Koulibaly a cité des exemples de pays qui ont leur propre monnaie. Il a cité le Ghana, le Nigeria, le Liberia, la Guinée, la Tanzanie et l`Afrique du sud. La référence à la monnaie de la Guinée de Lansana Conté est une grosse plaisanterie. Il faut espérer que c`était un lapsus. A la pratique, on constate que l`autonomie monétaire n`a pas pour autant enrichi les Libériens, les Tanzaniens, les Ghanéens ou les Nigérians pas plus qu`elle n`a rendu l`économie de ces pays performante. L`Afrique du sud a pu s`en sortir non pas parce qu`elle a sa propre monnaie, mais parce qu`elle a su construire des institutions fortes après l`épisode honteux de l`apartheid. Aussi parce que ses dirigeants ont su adapter son économie qui a été rudement éprouvée par l`apartheid. Il y a un siècle, l`économie sud-africaine reposait sur l`agriculture. Plus tard, c`est l`industrie minière qui est devenue le pilier de l`économie. Aujourd`hui, les prestations financières dominent largement l`économie suivies de près par l`industrie manufacturière sans exclusion des deux premiers secteurs qui ont fait de ce pays un géant incontournable en Afrique australe. Selon les dernières estimations fournies par l`ambassade d`Afrique du sud à Tunis, le secteur tertiaire représente 65% du produit intérieur brut. L`allusion faite à l`Allemagne est aussi une erreur d`appréciation et relève du pédantisme économique devant des populations qui n`y comprennent rien et sans doute édifiées par les "gros mots" du professeur. Le deutschemark était pour de nombreux Allemands un symbole d`identité nationale et de fierté patriotique. Leur monnaie qui était indubitablement forte était le soubassement de la prospérité et de la solidité de l`économie allemande. Cependant le 1er janvier 2002, l`Allemagne a été le premier membre de l`Union monétaire européenne (UME, aujourd`hui Union européenne tout court) à délaisser sa monnaie nationale pour adopter l`euro comme monnaie courante. Ce sont les exigences de la mondialisation qui excluent le repli sur soi. Le problème de l`appauvrissement de la Côte d`Ivoire n`est donc pas le franc CFA mais l`arrimage de cette monnaie à un franc français qui n`existe plus. Et cette question à laquelle il faudra bien s`attaquer n`a curieusement jamais été posée à l`Assemblée nationale ivoirienne où les députés ont bien compétence pour en parler et pour ouvrir le débat aux autres pays de la zone UEMOA. Mamadou Koulibaly, sur le sujet préfère en parler dans des forums inutiles et inopportuns plutôt que dans des cadres appropriés et conséquents.

Au demeurant, le problème de l`appauvrissement de nos pays de l`UEMOA ne résidant pas dans la dévaluation du CFA, puisque c`est bien ce que propose en définitive le numéro deux de l`Etat. Une première expérience n`a rien donné de positif sur le long terme si ce n`est une embellie à court terme constatée dans certains pays comme la Côte d`Ivoire. Le problème de l`appauvrissement de nos pays africains ne réside pas dans un imaginaire pacte colonial aujourd`hui, refuge attitré de piètres gouvernants. Le problème de l`appauvrissement dans les pays ayant en commun le CFA et dans une large vue dans de nombreux pays africains est bien la mauvaise gouvernance et le manque de vision économique des dirigeants. Pour prendre l`exemple précis de la Côte d`Ivoire, le président Houphouët Boigny a opté dans une vision réaliste qui épousait la réalité sociologique du pays pour une économie basée sur l`agriculture. Sa politique a payé cash. La Côte d`Ivoire est le premier producteur de cacao au monde. Plus de quarante ans après, la morphologie de l`économie mondiale a évolué tandis que l`économie de la Côte d`Ivoire reste dépendante de l`agriculture aujourd`hui en parfaite désagrégation du fait d`une intrusion politique mafieuse dans les différentes filières agricoles. Le politique et sa façon broussarde de concevoir la gouvernance est bien la cause de l`appauvrissement du pays (près de 70% des Ivoiriens ne mangent plus qu`un repas par jour, à en croire Mamadou Koulibaly lui-même). Quand les salaires sont écrasés par des impôts des plus farfelus aux plus inutiles (contribution nationale, contribution nationale solidarité) quand les petites et moyennes entreprises (PME) sont étranglées par un taux d`imposition qui alourdit leurs rentabilités et leurs performances, quand il n`y a aucune politique de maîtrise du taux d`inflation, ni un seul programme de création d`emplois…la richesse au plan micro économique comme macro économique est impossible. Et pour ne rien arranger, quand il y a une sorte de blanc seing pour voyous à cols blancs (cf " ce n`est pas mon rôle de mettre en garde les voleurs " lancé par Laurent Gbagbo) et quand l`impunité (malversation d`environ 100 milliards dans l`achat d`une usine de chocolat aux Etats-Unis, scandale des déchets toxiques, explication de l`enrichissement rapide…) est érigée en règle de gouvernement, l`affaissement économique de l`Etat est une logique inévitable. Pour tout dire, la proposition de Mamadou Koulibaly a le mérite d`amuser la galerie dans les "agoras" et autres forums où sont réunis des analphabètes. Elle reste et demeure fondamentalement naïve et étriquée.

 

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7 février 2008 4 07 /02 /février /2008 20:14

"Jusqu’à quand allez-vous résister contre la démocratie ?"
 

Bonjour monsieur le président

J’ignore dans quel état d’esprit vous vous trouvez aujourd’hui, mais ce qui se passe dans votre pays ne peut pas me laisser indifférent. Vous avez bien failli perdre votre poste lors de ces trois jours de feu et de sang, les samedi, dimanche et lundi derniers. Vous êtes encore là grâce à l’armée française qui a tergiversé dès le départ puis a choisi définitivement par la suite, son camp, votre camp. Désormais, vous n’échappez plus au destin peu enviable de prétendu chef d’Etat africain vrai préfet français qui prend chaque matin ses ordres à l’Elysée, si ce n’est, dans une maison moindre au quai d’Orsay.

 

Monsieur le président,

Je disais que vous aviez failli perdre votre poste et vous n’en êtes pas encore épargné. Pendant ces trois jours de terreur à N’djamena où vous avez envoyé votre pauvre chef d’Etat major des armées se faire massacrer (c’est hélas le destin du soldat) ainsi que d’autres soldats gouvernementaux (c’est le destin lié au métier, je le répète) et où vous-même étiez terré dans un endroit où vous ne risquiez pas de recevoir un éclat d’obus, vous avez résisté. Au péril de votre vie. Je ne vous féliciterai pas pour autant. J’ai toujours eu en horreur les politiciens marrons qui pensent comme notre Charles Blé Goudé national que seule leur vie compte parce qu’ils ont un destin plus important que celui des pauvres gueux qu’ils invitent à arrêter de dormir, pour aller défendre la république en danger. En fait de république, c’est bien le poste d’une seule personne dont il s’agit. Je vous aurais félicité si vous étiez un démocrate accompli que des rebelles aigris et obscurantistes voulaient coûte que coûte déboulonner. Pendant ces trois jours de feu et de sang, je ne vous cache pas, si vous aviez été chassé du pouvoir, vous n’auriez personne pour pleurer sur votre sort. Surtout pas moi. Savez-vous pourquoi ? Parce que vous êtes un dictateur.

 

Monsieur le président,

Sauf votre respect, je vais vous rappeler l’histoire honteuse et ensanglantée de votre accession au pouvoir. Ainsi comprendriez-vous peut-être pourquoi ce qui vous arrive n’est qu’une logique de l’histoire, de votre propre histoire. Nous sommes en 1980. Vous avez juste 28 ans. Vous revenez de France où vous avez obtenu un diplôme de pilote professionnel. Vous rejoignez Hissène Habré dans les maquis soudanais. Le 13 novembre 1981, celui-ci avec la bénédiction et le soutien de Khartoum lance son offensive contre le gouvernement d’union ( ?) nationale dirigé par Goukouni Weddeye. Ce dernier est aussi un ancien rebelle bien connu de Khartoum. Huit mois plus tard, vous et votre patron boutez Goukouni Weddeye du pouvoir. Il est contraint à l’exil en Algérie. Hissène Habré est le nouvel homme fort et vous le tout puissant chef d’état major. Comme toute histoire de comploteurs, vos relations se compliquent et vous tentez de renverser votre beau-frère de putschiste le 1er avril 1989. Vous échouez. Où vous êtes-vous dirigé pour trouver refuge ? Au Soudan. Et que fait Hissène Habré ? Il crie à la trahison du Soudan et menace son voisin de tous les châtiments. C’est au Soudan que vous créez en mars 1990, votre Mouvement (rebelle) patriotique du salut (MPS). C’est du Soudan, (je rappelle que vous avez fait un tour en Lybie) que vous lancez une offensive sur N’Djamena. Celle-ci aboutit le 1er décembre 1990 au renversement de Hissène Habré. Ce dernier trouve d’abord refuge au Cameroun puis au Sénégal où il est sous le coup d’inculpations pour crimes contre l’humanité aujourd’hui. Pour Hissène Habré, la sempiternelle histoire des fins de règnes de despotes, s’est répétée de façon indiscutable. Avec en belle prime, un exil non apaisé troublé par des menaces d’emprisonnement dont s’est bien passé son prédécesseur. Magnifique parallélisme des formes pour un piètre balayeur balayé par un vilain balai. Qui règne par l’épée périt par l’épée…

 

Monsieur le président,

L’histoire ne vous a pas enseigné. Et vous voilà aujourd’hui en train d’être l’objet de cette terrible histoire qui risque fort de se répéter. Parce que qu’est-ce qui se passe aujourd’hui au Tchad ? Aujourd’hui, vous avez dans votre pays, des mouvements rebelles coalisés, soutenus, encore et toujours par le Soudan et qui sont mieux organisés, mieux équipés, mieux fournis en hommes que votre mouvement qui a chassé du pouvoir Hissène Habré ou celui de ce dernier auquel vous avez appartenu qui a chassé Goukouni Weddeye. Vous savez plus que quiconque que la France est à vos côtés, non pas parce que vous êtes un grand président soi-disant démocratiquement élu mais parce que vous êtes la meilleure garantie pour ses entreprises qui opèrent dans l’or noir et pour la force européenne qui doit se déployer au Darfour. Vous savez encore plus que quiconque, que si les rebelles qui vous en veulent, offrent cette même garantie à la France, elle risque fort de vous lâcher, pour éviter de s’empêtrer dans un magma africain qu’elle voudrait bien éviter après celui de la Côte d’Ivoire. Vous le savez. Alors pendant qu’il est temps, bénissez Nicolas Sarkozy et ses avions mirages qui vous ont épargné le naufrage. Pour l’heure, vous résistez. Mais jusqu’à quand ? Jusqu’à quand allez-vous résister contre la démocratie dans votre pays ? Jusqu’à quand allez-vous assister avec un œil indifférent à la fuite des habitants de votre pays vers d’autres cieux plus apaisés ? Jusqu’à quand allez-vous compter sur "l’appui logistique" français pour vous maintenir au pouvoir ? Jusqu’à quand allez-vous diriger un pays, d’une façon aussi tatillonne, dans la hantise, d’être renversé ? Jusqu’à quand allez-vous résister à l’accomplissement du destin de tout dirigeant putschiste ?

 

Monsieur le président,

Vous avez commis des erreurs et vous devez aujourd’hui en tirer les conséquences. Vous n’auriez jamais dû tripatouiller la constitution qui limitait à deux mandats, le règne présidentiel, pour vous représenter en 2006. A quoi vous attendiez-vous après avoir organisé des "élections calamiteuses" boycottées par l’opposition politique ? J’ai entendu notre chef d’Etat à nous, Laurent Gbagbo dire que "l’Union africaine doit trouver des mécanismes pour lutter contre les coups d’Etat". C’est sa façon à lui, de vous apporter son soutien. J’ai compris, pour ma part, qu’il n’avait encore rien compris et qu’il n’a pas encore tiré les conséquences de la rébellion dans son pays. Ce que l’union africaine doit faire, c’est de trouver des mécanismes pour construire la démocratie dans les pays africains. A travers des institutions fortes mises en place non pas "dans des conditions calamiteuses" mais selon des règles démocratiques universelles qui fondent l’Etat de droit. Aujourd’hui, il ne viendrait à la tête d’aucun soldat ghanéen, béninois, sud-africain…de se rebeller contre John Kufuor, Yayi Boni, Thabo M’Beki…La raison est que ces hommes sont arrivés au pouvoir dans les règles électorales de l’art démocratique et s’efforcent de consolider les institutions démocratiques de leur pays, sans préjuger de leur succès économique. Mais voyez-vous monsieur le président, personne ne s’émouvra en Afrique si des soldats se rebellent et chassent du pouvoir le Guinéen Lansana Conté, le Congolais Sassou N’Guesso ou le Gabonais Omar Bongo. Toutefois, que les rebelles ne pensent pas que c’est un blanc seing à leurs actes anti démocratiques et fermement condamnables. Je n’ai jamais toléré la rébellion, qu’elle soit en Côte d’iVoire, au Tchad ou ailleurs. Mais je dis qu’il ne faut pas donner des prétextes fiables voire légitimes à des voyous qui ne rêvent qu’à casser des banques et à rouler des jaguars.

 

Monsieur le président,

Vous êtes face à votre destin. Vous avez à choisir entre démissionner, négocier ou résister. La troisième option est suicidaire. Si vous choisissez la deuxième, vous devez acceptez l’idée d’un gouvernement d’union nationale qui intègre la rébellion mais surtout l’opposition politique et de la mise en place d’un pouvoir intérimaire qui se chargera d’organiser des élections ouvertes à tous auxquelles vous ne participerez pas, selon la constitution préalable que vous aurez réhabilitée. Pour ma part, je vous dis : démissionnez ! Votre arrivée à la tête du Tchad était une erreur et votre règne est un échec. Vous n’avez pas fait mieux que Hissène Habré et vous avez fait pire que Goukouni Weddeye. Les Tchadiens sont plus misérables que jamais, en dépit du pétrole qui coule à profusion dans des proches déjà bien garnies de votre galaxie. L’histoire a déjà inscrit votre nom au panthéon des dictateurs. Cependant, elle vous laisse le choix de partir dans la dignité. Démissionnez !

 

 

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1 février 2008 5 01 /02 /février /2008 12:07

 

« Votre grand tort, c’est bien votre incompétence et votre manque de vision pour ce pays »

 

Bonjour monsieur le Président 

Avant tout, permettez-moi de lever toute équivoque. Cette lettre, elle est adressée au chef de l’Etat et non au Président de la République. Pour moi, depuis le 26 octobre 2005, date de la fin constitutionnelle de votre quinquennat, du reste ensanglanté, vous n’êtes plus président de la République. Vous êtes un assimilé de fait, donc un chef d’Etat. Pour moi, depuis le 26 octobre 2005, vous n’avez plus avec vous la légalité encore moins la légitimité que vous n’avez d’ailleurs jamais eue, de par votre élection parfaitement calamiteuse. Cependant, je vous appelle président, ce qui n’est pas dans mes habitudes, parce que pendant cinq ans vous avez rempli les fonctions inhérentes à ce poste, certes de façon hasardeuse, mais vous les avez remplies quand même. De ce fait, vous gardez le titre mais pas la fonction. Je vous appelle monsieur le Président comme j’appellerais d’autres monsieur le ministre alors qu’ils ne sont plus en fonction. 

Monsieur le Président,

Ceci est la première lettre ouverte que je vous adresse depuis que l’implacable destin vous a placé à la tête de ce pays et depuis que mon destin personnel m’a appelé à exercer ce métier pendant votre mandat, je le répète, parsemé de sang. C’est franchement avec le cœur en peine, la gorge nouée et l’âme affligée que je m’emploie à vous écrire. Oui, j’ai l’âme affligée d’un jeune homme désemparé par l’autorité pernicieuse de son géniteur et qui se voit dans l’absolue obligation de parler. Pour se libérer. N’est-ce pas que "la parole libère" ? Même si, vous avez lancé cette phrase, comme tant d’autres pour amuser la galerie, moi, je crois effectivement que "la parole libère". Ce qui est différent de "la parole est libérée", un autre slogan totalement vaseux qui a pour mérite d’endormir d’honnêtes gens. Antoine Assalé Tiémoko a cru, naïvement, que la parole était libérée sous votre règne. Il en a eu pour son compte. On peut dire qu’il a eu beaucoup plus de chance. Les exemples sont à profusion. Qui prouvent que votre fameuse "parole libérée" est un appât pour attirer dans les abîmes de la prison, de l’exil, de la déchéance… de la mort, d’honnêtes et paisibles gens. "La parole est libérée". Le colonel Jules Yao Yao a dit qu’un complot sorti tout droit d’un laboratoire bleu était une "connerie" et cela l’a conduit au limogeage puis à la bastonnade enfin à l’exil. Rien qu’une parole. Jean Hélène croyait que la parole était libérée. Il attendait tranquillement que des militants de l’opposition soient libérés pour leur donner la parole et il a été tué, froidement, par un policier, présenté à la télé nationale et dans les journaux proches de vous, comme un héros accompli. Les exemples sont légion. Je vais m’arrêter à ceux-là puisque ce n’est pas l’objet de ma lettre.

 

Monsieur le Président

Autant vous le dire sans passer par quatre chemins. Vous me décevez. Votre dernière sortie au palais de la présidence, à la fin de la bien inutile cérémonie de présentation des vœux, m’a définitivement convaincu que vous n’avez aucune aptitude à diriger un Etat. En terme plus clair et plus précis, vous êtes incompétent. Je vais vous dire pourquoi, si vous-même ne le savez déjà. Pour vous le prouver, je vais prendre quelques exemples dans la vie de tous les jours.

Comme vous êtes un enseignant, je prends l’exemple d’un enseignant d’université dans un amphithéâtre. L’enseignant arrive dans l’amphithéâtre pour dispenser son cours. Mais les étudiants bavardent, certains jouent au poker, d’autres regardent une revue pornographique et se marrent. L’enseignant se dit : « Ce n’est pas mon rôle de faire ramener le calme dans l’amphi. Mon rôle à moi, c’est de donner mon cours ». Alors, il se mit à lire son cours dans le brouhaha de l’amphithéâtre. Bien que personne ne l’écoute, il continue quand même son cours jusqu’à ce que son heure arrive à son terme. Puis il s’en va. Tranquille. Avec la conscience tranquille de l’enseignant qui a fait son devoir. Il ne pouvait pas savoir qu’il était un enseignant inconscient qui n’avait aucun sens de la pédagogie.

Il y a un autre exemple. Celui d’un gynécologue qu’une jeune femme est allée consulter pour se faire opérer d’un kyste ovarien. Au cours de l’opération, il découvre un fibrome dans l’utérus. Le gynécologue se dit : « Je n’ai pas été approché pour un fibrome, mais pour un kyste. Alors j’enlève uniquement le kyste. Le fibrome, ce n’est pas mon problème ». A la fin de l’opération, il est tranquille. Avec la conscience tranquille d’un gynécologue compétent. Il ne pouvait pas se douter qu’il était un gynécologue douteux qui n’avait aucune conscience professionnelle.

 Les exemples ici aussi peuvent se multiplier.

Vous êtes exactement comme l’enseignant d’université ou le médecin gynécologue. Vous êtes exactement comme eux quand vous dites que les voleurs de la république ce n’est pas votre rôle « de les mettre en garde ». Vous êtes exactement comme l’enseignant d’université ou le médecin gynécologue quand vous dites que parce que vous n’avez jamais présenté de concours, vous vous en fichiez pas mal de ce qu’il y ait corruption. Vous êtes exactement comme eux quand vous répétez que la pagaille dans la filière café-cacao, ce n’est pas votre problème parce que vous vous contentez de toucher au port votre Droit unique de sortie (DUS) sur ces deux produits. Décevant pour un chef d’Etat. Cela dénote non seulement d’une criante incompétence, mais d’un manque notoire de vision. Vision politique, vision économique, vision sociale. Je vais m’attarder sur le cas précis de votre position sur la gestion de la filière café-cacao afin de vous prouver que vous explosez d’incompétences. La première fois que vous avez dit cela, c’était encore au cours d’une interview télévisée, il y a quatre mois. Quand vous avez sorti cette énormité, passé le moment de la surprise, je me suis dit que vous l’avez balancé, sans trop y penser. Vous conviendrez avec moi que vous sortez énormément de choses de ce genre. Mais en le répétant quatre mois après, vous marquez clairement que cela est votre intime conviction et votre inébranlable position.

Voyez-vous monsieur le Président, vous ne vous êtes jamais dit qu’un peu d’ordre dans la filière café-cacao pourrait accroître vos fameux DUS. Et pourtant, c’est simple. J’ignore qui est votre conseiller en matières premières, mais je m’en vais vous apprendre que si les planteurs étaient mieux organisés, ils auraient pu facilement avoir accès aux banques. Ils songeraient à mieux renforcer leurs capacités par la formation. Ils sauraient par exemple que ce n’est pas le sacrifice d’un cabri noir dans une plantation qui accroît la production, mais les engrais et les insecticides. Ils pourraient emprunter pour créer d’autres parcelles de champs et accroîtraient ainsi leurs productions. Conséquemment, la production qui arriverait au port serait plus importante que celle actuelle et vos fameux droits uniques de sortie seraient plus importants que ceux que vous percevez aujourd’hui. C’est aussi simple que cela. Vous ne le savez pas parce que vous êtes comme l’enseignant d’université ou le médecin gynécologue cités en exemple plus haut. Mais, si vous ne savez pas ces choses si simples, vous avez absolument tort. Et votre plus grand tort, c’est bien, je le répète, votre incompétence et votre manque de vision pour ce pays. C’est votre incompétence qui vous a fait dire que vous étiez capable de payer au planteur de cacao, son produit à 3000 Fcfa le kilogramme. C’est cette incompétence qui vous a fait dire que vous donneriez un milliard à chaque département, que vous construiriez des hôpitaux à chaque 5kms de route. Vous n’avez jamais pu transformer ces promesses d’opposant en réalité. C’est votre incompétence qui vous a fait dire aux populations de Jacqueville, depuis 2007 que vous construiriez un pont pour eux « avant la fin de l’année ». Ce qui n’a jamais été fait. C’est bien parce que vous êtes incompétent, que vous manquez de vision pour ce pays que vous distribuez, sous-préfectures et départements à tour de bras, sans vous soucier des infrastructures préalables qui doivent précéder ces administrations.

 

Monsieur le président,

Je vais m’arrêter là pour aujourd’hui. Avant de vous quitter, sachez que désormais, je ne vous laisserai plus dire et faire des choses sans réagir. Dans ces mêmes colonnes, je m’emploierai à vous renvoyer l’image presque jamais reluisante de votre règne. Sachez-le dès maintenant. A partir d’aujourd’hui, je serai votre impitoyable censeur.

A bientôt donc.

 

André Silver Konan

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29 janvier 2008 2 29 /01 /janvier /2008 12:43

Tchimou et « Noël à Abidjan »

 

C’est le procureur de la république Raymond Tchimou qui a donné l’information. Selon lui, après l’arrestation de Jean Paul Ney, dans l’affaire IB, une enquête menée par la DST « sous la direction du Parquet d`Abidjan, a abouti à la récupération d`éléments vidéos ». On suppose aisément que le film « Noël à Abidjan » faisait partie de ces « éléments vidéos». On sait que ce film a commencé à circuler, par la suite, sur Internet. Le procureur Tchimou doit expliquer aux Ivoiriens dans les très brefs délais, comment ce film est arrivé sur Internet. Son intégrité est en jeu ! 

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